Le design et les enfants, vous dites ?
Dans cet article, en léger décalage avec nos publications habituelles, nous vous proposons d’explorer un sujet qui nous tient à coeur : l’enfant, ou le jeune, de ses 5 ans à sa majorité, et son parcours de vie.
Chez TICO, nous plaçons régulièrement ce profil, dont la créativité n’a d’égale que son imagination, au coeur de nos démarches.
- Que ce soit dans le cadre de nos accompagnements :
- [Design de politiques et services publics] Améliorer l’accompagnement des mineurs de l’ASE (Département de la Drôme) ;
- [Design de politiques et services publics] Refonte des aides à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (Conseil Département du Val-D’oise) ;
- [Design collaboratif de services] La prévention santé inspirée par les enfants (MGEN) ;
- Dans notre quotidien-métier, via notamment l’accueil de Julie, stagiaire de 3ème dont nous vous parlions récemment ;
- Mais aussi, afin d’accompagner nos clients dans leurs projets de transformation, via l’offre packagée L’iNfanterie, que nous avons par exemple déployé en 2017 chez IMA Technologies.
De plus, ceux qui nous fréquentent régulièrement connaissent notre volonté de nous impliquer auprès de clients publics (représentant 50% de l’ensemble de nos missions), et d’intervenir sur divers divers sujets d’ampleurs territoriales.
Si vous êtes curieux, rendez-vous sur la page détaillant quelques-uns de nos accompagnements-clients !
Pour n’en citer que quelques-uns, vous retrouverez par exemple, les études de cas suivantes :
- [Design collaboratif de stratégie] Co-écriture de scenarii de gestion des risques inondations (EP-Loire) ;
- [Design collaboratif d’espaces] La préfiguration du nouveau campus universitaire CAMPUS 3000 (Ville de Châlons en Champagne – Université de Reims) ;
- [Design collaboratif de politiques et services publics] Optimiser la gestion des mails (Département de la Drôme) ;
- [Design collaboratif de politiques et services publics] Le design au service de la transformation de l’administration (Région Bretagne) ;
- [Design collaboratif de politiques et services publics] Le design au service de l’optimisation de l’exploitation des équipements sportifs (Viry-Châtillon) ;
- [Design collaboratif de plateformes numériques] Conception et prototypage de la plate-forme open data de la région (Région Bourgogne-Franche-Comté) ;
- [Design collaboratif d’événements] Les Instants T #Nautisme et #Tourisme, pour petits et grands (Loire-Atlantique Développement) ;
- [Design collaboratif de concertation] Accompagnement à la concertation dans le cadre du projet de contournement du site de Donges (SNCF).
… Mais revenons à notre sujet.
Il y a quelques jour de cela, la ville de Nantes publiait un avis de marché public quant à L‘animation d’une démarche participative sur les accueils de loisirs et les séjours de vacances à Nantes.
Si nous avions dans un premier temps envisagé de formuler une réponse à cet appel d’offre, nous nous sommes finalement rétractés, n’ayant pas réussi à proposer une démarche méthodologique dans l’enveloppe budgétaire allouée au projet.
Mais puisque nous avons travaillé le sujet – et tout particulièrement Hugo – nous avons décidé de vous partager ici le fruit de nos recherches… À toutes fins utiles, comme dirait Nicolas 😉
\ L’accueil des enfants, un enjeu historique en lien avec l’éducation
L’accueil des enfants est intimement lié à la façon dont notre société envisage la place de l’enfance en son sein et, plus largement, son parcours de vie. L’enjeu de l’accueil est « une idée neuve » au regard de notre histoire. La question émerge durant XIXème siècle et s’affirme avec le début de la 3ème République, de manière concomitante avec l’accès à l’éducation pour tous via l’obligation de scolarisation des enfants, l’interdiction du travail des mineurs, la progressive émancipation des femmes et leur entrée sur le marché du travail. C’est un moment charnière dans la politique nationale et dans la transformation du regard que notre société porte sur l’enfance, l’adolescence et la famille.
Souhaitant initialement répondre à la situation de désœuvrement et « d’errance » des enfants après leur journée d’école, les premiers accueils « périscolaires » sont organisés spontanément, par des associations de parents d’élèves, des amicales laïques ou des instituteurs et ce, en dehors de leur temps de travail. L’organisation de ce temps de « garderie » révèle rapidement la nécessité d’encadrer ce moment et de le mettre à profit pour les enfants.
Alors sujet de discorde entre organisations laïques et religieuses, le temps périscolaire fait figure de front où s’engage une lutte éminemment idéologique, entre une vision républicaine de la société d’une part, en opposition frontale à la conception cléricale de ce qu’elle doit ou devait être, d’autre part. Sans présumer de l’effet moteur de cette confrontation sur le terrain de l’offre périscolaire, il s’avère que celle-ci connaît, à cette même époque, sa première structuration sur le socle de deux principes généraux :
- Apporter une aide matérielle et morale à des enfants issus de milieux défavorisés ;
- Apporter une formation morale, physique et sociale grâce aux loisirs.
Rapidement envisagé comme une prérogative des pouvoirs publics, l’accueil des enfants hors temps scolaire a été pris en main par les collectivités et devient réellement une préoccupation d’État sous le Front Populaire, avec notamment les réglementations nouvelles et subventions des colonies de vacances et la création d’organismes de formation et de coordination. Aujourd’hui, l’accueil de loisirs, les séjours de vacances et l’accueil périscolaire sont des axes incontournables des politiques de territoires. Reflet de cette importance, la réforme nationale des rythmes scolaires de 2012 portant sur les horaires de l’école a notamment souligné l’importance de ces temps périscolaires, littéralement « autour » de l’école, faisant l’objet de nombreux débats, affirmant par la même occasion l’attachement des français à ces sujets.
\ Une nouvelle conception de l’éducation : état des lieux de l’accueil des enfants
Dans de nombreuses communes, ces temps d’avant et d’après l’école n’ont pas eu à attendre la réforme de 2012 pour être organisés en collaboration avec les services municipaux. Néanmoins, il est important de constater que la reconnaissance de ce temps, dans la réforme, décloisonné du « temps de l’école » à proprement parler, est un signal important. Le temps de l’enfant est aujourd’hui pensé comme un tout où l’éducation doit avoir sa place. On comprend alors que l’éducation physique, la prise en main de l’outil informatique, l’éducation civique, la culture, l’art et tous les sujets possibles à envisager dans le cadre des activités périscolaires et d’accueil ne sont pas des sujets strictement propres au temps de l’école mais des sujets qui prennent plein pied dans la vie de l’enfant en général.
Ainsi, le temps périscolaire est aujourd’hui un temps d’éducation, jouant sur des modes de transmissions différents de l’école, qui elle, vise à certifier un apprentissage, et permet une approche de l’éducation entre « pairs » pour les enfants. Cette orientation ouvre la voie à de nouvelles manières d’envisager la découverte, la construction de soi et le rapport aux autres.
Dès 2014, étaient mis en place des activités riches et embrassant un spectre large de disciplines. Pour exemple, au-delà d’activités traditionnellement proposées, telles que le basket, le chant, l’initiation à l’anglais, la ville de Bouc-bel-Air proposait également des activités telles que l’équitation, les arts-du-cirque, le hip-hop ou le tir à l’arc. La ville de Rousset, elle, a mis en place des activités sensibilisant les enfants aux habitudes alimentaires dans le monde, aux difficultés d’accès à l’alimentation, aux inégalités de développement et au commerce équitable.
Quelques chiffres à propos de l’accueil de loisirs et du temps périscolaire :
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17 416 accueils périscolaires étaient déclarés en 2012, puis 31 952 en 2015, soit une augmentation de 83% en 3 ans ;
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La part des communes organisant des temps d’activités périscolaires a également progressé fortement ces 10 dernières années, passant notamment de 43% en 2014 à 60%, en 2016 ;
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Le nombre de places disponibles a connu un réel essor : de 982 708 places ouvertes en 2012 à 3 058 064 en 2015, soit plus de 300% d’augmentation !
Pour organiser et structurer l’offre périscolaire et d’accueil de loisirs des enfants, prévoir les acteurs et les structures qui seront mobilisés, les intercommunalités ou les communes mettent en place des Projet Éducatif de Territoire (PEdT). En 2014, la ville de Nantes a présenté sa version, intitulée « Bien grandir à Nantes ». Formalisant la stratégie territoriale de la collectivité, ce document ainsi que la charte d’éducation nantaise « constituent les actes fondateurs de la politique éducative de la ville de Nantes » (Johanna Rolland).
\ La politique éducative de la ville de Nantes
La ville de Nantes délègue son service public des accueils de loisirs, séjours de vacances et dispositifs périscolaires (enfants et adolescents) aux associations spécialisées que sont ACCOORD et l’Association Léo Lagrange. Ce contrat de délégation doit être en cohérence avec les attendus éducatifs de la politique éducative de la ville.
Prévu pour la période 2014 – 2020, le Projet Éducatif de Territoire de la ville de Nantes se structure en trois grands axes :
- Favoriser la réussite éducative en réduisant les inégalités sociales et territoriales, en valorisant les compétences des enfants et en associant leurs familles ;
- Assurer une cohérence et une qualification de l’offre éducative sur tous les temps de la vie de l’enfant, de la petite enfance à l’adolescence ;
- Renforcer la continuité éducative en direction des adolescents.
Cette stratégie territoriale se consolide sur un socle de valeurs communes : la Charte nantaise de la réussite éducative, qui liste les partis pris généraux de la construction de la politique éducative :
- La réussite éducative réaffirme le principe d’égalité ;
- Elle mobilise tous les acteurs éducatifs, et en premier lieu la famille ;
- Elle leur garantit une place essentielle dans la société, de la petite enfance à l’entrée dans l’âge adulte, dans le respect de leur identité ;
- La réussite éducative doit permettre à chaque enfant et chaque jeune de construire son parcours personnel vers l’autonomie ;
- Elle reconnaît à l’enfant et aux parents, la capacité à penser et à agir pour construire le parcours ;
- La réussite éducative englobe et concilie la réussite scolaire, le vivre ensemble, l’ouverture au monde et aux autres ;
- Elle vise l’épanouissement personnel, l’autonomie et le bien-être de tous les enfants et des jeunes nantais.
On constate à la lecture de ces principes qu’au travers de sa politique éducative, la ville de Nantes affirme deux axes généraux de gouvernance : la participation des habitants à la définition du projet de ville et une volonté d’inclusion pro-active des populations les plus sensibles.
Aujourd’hui, la ville souhaite redéfinir le cadre contractuel de la délégation de service public des accueils de loisirs, séjours de vacances et dispositifs périscolaires et ce, en s’appuyant sur une démarche participative. À ce titre, elle est en pleine cohérence avec son ambition affichée de co-construction des politiques et services publics. Cette volonté sert parfaitement les enjeux de l’accueil de loisirs et du temps périscolaires. En effet, il s’agit aujourd’hui de permettre aux familles de pouvoir s’exprimer sur le cœur de ces questions : qu’est ce que signifie aujourd’hui la prise en charge des enfants ? Que cherche-t-on à construire comme rapport entre les familles, les enfants et l’école ? Quelle rôle l’école, ainsi que l’organisation du temps périscolaire, doivent-ils jouer pour l’éducation des enfants et comment permet-elle, au-delà de la question de l’éducation, de créer du lien entre les pouvoirs publics et les habitants ?
\ L’offre d’accueils de loisirs et de séjours de vacances à Nantes, une construction participative
Comptant 114 écoles publiques réparties sur 11 quartiers administratifs, la ville de Nantes se doit d’adapter sa politique à leurs spécificités.
La méthode participative semble alors l’outil idéal afin de révéler puis de qualifier les enjeux spécifiques à des bassins de vie aux caractéristiques diverses, mais également une méthode efficace afin de façonner finement sa politique d’offre en fonction des besoins, forcement différents, d’une typologie d’habitants à l’autre.
En décembre 2020, Localtis, un média de la Banque des Territoires publiait l’article suivant, « La participation des jeunes enfants aux activités périscolaires est liée au milieu social et au territoire ». Exploitant une somme de données publiées par l’INSEE, l’article opère la mise en exergue d’une réalité appuyée par les chiffres de l’institution : la situation professionnelle des parents, la situation géographique de l’enfant, ainsi que le niveau d’aisance des foyers sont les trois critères décisifs de l’accès au périscolaire :
- « La présence au foyer durant la journée d’un membre du couple crée de la disponibilité pour s’occuper de l’enfant, tandis que deux parents en emploi peuvent plus rarement se passer de l’ensemble des dispositifs périscolaires. Réciproquement, l’allongement de la journée passée par l’enfant à l’école peut faciliter l’accès à l’emploi des parents, notamment dans les foyers monoparentaux » ;
- « 49% des enfants appartenant aux familles les plus aisées avaient une activité organisée le mercredi, contre 23% pour les enfants des foyers ayant le plus faible niveau de vie » ,
- « Plus la taille de la commune d’habitation est importante, plus les enfants de trois ans et demi fréquentaient le centre de loisirs le mercredi. On passe ainsi d’un taux de 11% chez les enfants des communes hors unité urbaine à 16% dans les communes de 50.000 habitants et plus ».
Cette étude, dont les enseignements sont bien sûr à manipuler avec précaution dans le cadre de l’analyse d’un territoire spécifique, permet toutefois de saisir toute l’importance d’une organisation du service public de l’accueil de loisirs, de séjours de vacances et d’activités périscolaires pour les jeunes et adolescents, qui tienne compte de tous les profils et typologies d’habitants si elle souhaite permettre à chacun d’accéder à ces services.
C’est une volonté forte exprimée par la ville de Nantes, souhaitant notamment alimenter l’étude sur le futur périmètre du service par un recueil de l’avis citoyens tenant pleinement compte des spécificités de son(/ses) territoire(s). La démarche ainsi initiée s’articule autour de deux enjeux bien identifiés, les attendus éducatifs en lien avec sa politique éducative d’une part, et le format de l’offre qui sera proposée d’autre part. Aussi il sera question avec les familles et acteurs du services d’envisager les sujets suivants :
- L’accessibilité de l’offre ;
- Les lieux concernés ;
- La façon dont l’offre est communiquée ;
- Les activités qui seront proposées ;
- Les questions de citoyenneté et de participation sous-jacente à l’objectif de l’offre ;
- Le rôle et la posture des professionnels ;
- Le contenu éducatif de l’offre.
Il s’agira de mettre en place, pour l’ensemble des parties prenantes identifiées, un espace d’expression efficace car tenant pleinement compte des diverses typologies de participants et en respect de la représentativité des publics et opinions, de manière à ce que chacun puisse émettre son point de vue et ce, dans des conditions optimales et bienveillantes.
Riche sujet, n’est-ce pas 🙂 ? Pas pour nous cette fois-ci mais nous suivrons la mise en oeuvre de près, souhaitant une bonne chance à tous les candidats qui auront effectivement déposé leur offre demain avant 12h00 🙂
Et vous, ça vous parle ? Et si nous explorions, dès aujourd’hui, nos sujets de transformations, que ce soit par, avec ou pour les jeunes ?
Chez the insperience.co, nous en sommes convaincus : nous aurions tout à gagner à les associer davantage à nos réflexions !